En 2024, le gouvernement ivoirien, sous l'impulsion de Cissé BACONGO, gouverneur du District Autonome d’Abidjan, a lancé une vaste opération de déguerpissement touchant plusieurs localités de la ville d’Abidjan. Cette initiative, bien que motivée par des projets d'infrastructures stratégiques, a provoqué d'importants affrontements entre la population et les autorités locales, révélant des tensions profondes et des enjeux complexes. Ces opérations visent à libérer des espaces pour des projets majeurs, comme la construction d'une voie à double sens dans le cadre de la phase 2 du projet du 4ème pont d’Abidjan.
Les autorités justifient également ces déguerpissements par la nécessité de résoudre des problèmes de sécurité liés à des habitations illégales et précaires, exposées aux glissements de terrain et aux inondations pendant la saison des pluies (Les 176 sites dont 77 en situation critiques ont été évoqués par le porte-parole du gouvernement.)
La première vague de déguerpissement a eu lieu en février 2024 à Yopougon GESCO, provoquant une vague de mécontentement sur les réseaux sociaux. Les internautes ont exprimé leur solidarité avec les victimes et critiqué la gestion du processus de déguerpissement. Mais c'est le déguerpissement d’Adjamé Village, le 25 juillet 2024, qui a dégénéré en affrontements violents, marquant un tournant dans ce qu’on pourrait surnommer « la crise du déguerpissement ».
Origines et Natures des Affrontements
Si l'objectif initial de ces déguerpissements était de faciliter la modernisation des infrastructures et de lutter contre les habitations précaires exposé aux inondations et glissements de terrain, le processus a souffert de graves dysfonctionnements, notamment en matière de communication entre les chefs traditionnels, les autorités locales, et la mairie d'Adjamé. En mai 2024, un fonds d'indemnisation de 4,3 milliards de francs CFA a été alloué par le district autonome d’Abidjan et la mairie pour compenser les victimes. Cependant, la lenteur des indemnisations et les ambiguïtés autour de la gestion de ces fonds ont nourri un sentiment d'injustice.
De plus, les chefs traditionnels Ebriés Adjamé ont tenu une conférence de presse après la démolition de la maison « hantée » (une villa duplex très connue des environs) située en face de la base Sapeurs-Pompiers. A l’image de la population les Chefs Ebriés ont exprimé leur position vis-à-vis des récentes séries de démolition qu’a connu la ville d’Abidjan, ils ont exprimé publiquement leur opposition aux démolitions, dénonçant la perte continue de terres ancestrales au profit des projets de modernisation d’Abidjan. Ils se considèrent comme les victimes d’un développement urbain qui ne tient pas compte de leurs droits historiques. Ces revendications ont précédé les affrontements violents qui se sont déclenchés lorsque les agents de déguerpissement sont arrivés sur les lieux, face à une population en colère.
Les affrontements à Adjamé Village ont pris une tournure violente. Les habitants, armés de pierres, de machettes et de gourdins, ont résisté à l’intervention des autorités. Les affrontements ont causé deux (2) pertes en vies humaines. Ces scènes de violence témoignent de la profondeur du mécontentement populaire, nourri par une perception d’arbitraire et d'absence de considération pour leurs revendications.
Conséquences et Perspectives
Les conséquences de ces événements sont lourdes. Socialement, les affrontements exacerbent la défiance entre les communautés locales et les autorités, et renforcent un climat de frustration. Économiquement, la destruction des habitations et des commerces affecte durablement les moyens de subsistance des habitants déplacés déjà asphyxier par le climat économique ivoirien. Environ 390 foyers ont été répertoriés comme étant directement touchés par les démolitions et les déplacements liés au déguerpissement d’Adjamé village. En mai 2024, il a été annoncé qu'une somme de 4,3 milliards de francs CFA (environ 6,5 millions d'euros) serait allouée pour indemniser les familles et les propriétaires terriens affectés par le déguerpissement. Ces fonds devaient couvrir la destruction des maisons et magasin et compenser par la même occasion les pertes économiques subies par les habitants déplacés.
Cependant, après l’incident d’Adjamé, les choses semblent s'apaiser, le déguerpissement des zones initialement identifiées continue son cours, il suscite toujours autant de polémique sur la toile médiatique ivoirienne et fait toujours couler autant d’encre. Mais, aucun affrontement de l’ampleur de celui d’Adjamé Village n’a encore été enregistré.
Pour surmonter ces défis, il est crucial d’adopter une approche plus inclusive dans la mise en œuvre des projets urbains. Cela implique une communication transparente et un dialogue permanent avec les populations concernées. Des compensations justes et des solutions de relogement réalistes sont également essentielles pour apaiser les tensions et garantir le respect des droits des résidents. Le déguerpissement d’Adjamé Village met en lumière les défis complexes liés à l'urbanisation rapide en Côte d'Ivoire. Pour que le développement soit à la fois durable et équitable, il doit prendre en compte les besoins et les préoccupations des populations locales, en conciliant modernisation et respect du patrimoine et des droits des habitants.
J'apprécie que l'humain soit au centre de cet article. Merci pour cette rétrospective
Merci pour cet article qui se penche sur une réalité sociale assez douloureuse.
Merci pour cet article captivant !