Exilée loin des saveurs de mon pays, je me surprends souvent à rêver du temps où nous-nous regroupions autour d'un plat de tô à la sauce boulvanka (feuilles de corète), cuisiné par ma mère dans la cour ombragée de notre maison à Nagrin. Aujoudd'hui, chaque bouchée de plat typique sub-saharien m'emporte loin, vers les souvenirs d'une Afrique insouciante. Ce souvenir d'enfance, aussi simple soit-il, résume à lui seul le sentiment de nostalgie et d'appartenance que peut évoquer la cuisine chez de nombreux Africains de l'Ouest vivant à l'étranger. Au-delà d'un simple plaisir gustatif, la nourriture est un vecteur d'identité, un lien avec nos racines et un moyen de préserver nos traditions.
La cuisine comme marqueur identitaire et vecteur de mémoire
La gastronomie, en sollicitant la vue, le toucher et le goût, est un puissant vecteur de mémoire. En effet, le bol de bouillie chaude de petit mil accompagnée de galettes regroupait tous les enfants de la cour, et réchauffait les coeurs tôt le matin. Bien plus qu'un petit déjeuner, il contribue à forger l'identité culturelle en inculquant des valeurs de partage et de solidarité aux enfants. De même, certains plats étaient mis à l'honneur lors des fêtes réligieuses et familiales. Au Burkina Faso par exemple, on n'envisage pas un baptème sans du babenda et du gonré, plats qui réjouissent les papilles de bon nombre de personnes. Par ailleurs, la cuisine est un pont qui relie les générations. La transmission de recettes, de valeurs et de savoirs-faire de mère à fille est une tradition qui contribue à renforcer le lien inter-générationnel.
La cuisine ouest-africaine à l'épreuve de la diaspora
La diaspora, en manque du pays et désireuse de reproduire les plats de chez eux sont souvent confrontés à plusieurs obstacles parmi lesquels les difficultés d'approvisionnement. Pour des raisons climatiques, il est impossible pour certaines régions de cultiver plusieurs produits qui entrent dans les recettes de plats ouest-africains. Ces produits sont donc importés en Occident où leur prix de vente revient plus cher. C'est le cas par exemple de la banane plantain, le manioc et les feuilles végétales comme l'oseille, l'amarante, les feuilles de baobab, etc. Très souvent, ils sont remplacés par des produits qui y ressemblent, afin de créer un semblant de foutou ou de sauce feuille.
La cuisine ouest-africaine : un patrimoine à préserver
En tant que patrimoine immatériel, la cuisine africaine mérite d'être préservée et vulgarisée. Beaucoup d'africains l'ont compris et ont mis en place des initiatives qui visent à promouvoir la cuisine de leurs pays. Des femmes burkinabè vivant au Canada ont créé le groupe facebook "Cuisine Burkinabè et d'ailleurs" dans lequel des recettes et des techniques culinaires sont partagées, ainsi que des challenges de mets locaux lancés de temps en temps par les membres . On peut aussi citer les entreprises d'agro-alimentaire comme "Faso Atiéké" qui produit et exporte de l'atiéké made in Burkina partout dans le monde, ainsi que la nouvelle société burkinabè de transformation de tomates SOFATO.
Nous avons bien vu l'importance de la cuisine africaine pour les africains de la diaspora, en tant que marqueur identitaire. Malgré les efforts de préservation de la cuisine ouest-africaine, l'absence d'une industrie agroalimentaire développée en Afrique de l'Ouest constitue un véritable obstacle à la préservation de la cuisine traditionnelle en diaspora. Les difficultés d'approvisionnement en ingrédients frais et de qualité contraignent souvent les expatriés à utiliser des substituts, altérant ainsi les saveurs authentiques de leurs plats. Cette situation met en lumière l'importance de développer des filières agricoles locales capables de produire et d'exporter les ingrédients nécessaires à la préparation des plats traditionnels.
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